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54 - NEW PLYMOUTH -TARANAKI.

La route entre Wanganui et New Plymouth serpente dans la campagne et vous entraîne sans arrêt à regarder à droite vers le mont Egmont, en fait le cône du volcan Taranaki. 
Nous avons bien tenté de faire un tour par la route de la côte mais en hiver ce n’est pas là qu’il faut passer. Les plages de surf sont désertes, les écoles fermées et les villages de campagne ont peu d’activité. Le tourisme ce n’est peut-être que l’été.


Personne !!! même la mer n'est plus là...
UN café ouvert pour manger un bout à midi...


















New Plymouth nous a accueilli sous un grain de plein océan. La mer de Tasmanie ne plaisante pas ; j’ai en tête des récits de journaux racontant la course Sydney-Hobart sous des tempêtes qui ont fait des ravages dans la flotte dès après le départ.









La semaine s’annonce ventée et sous les grains, comme quand on est en mer, chaque nuage apporte sa larme ou balaie les voiles qu’il faut vite affaler. Pourtant à la couleur des mimosas, vous avez compris que le printemps est presque là, la température a dépassé 20° sous le soleil, la fin des vacances est annoncée…




Arrivés chez Judy et Len les fleurs du jardin en particulier celle de l’acacia permettraient de faire des beignets. Jaunes comme s’ils étaient gorgés de miel, qui sait ? 
Nous sommes logés comme des rois, résidence avec vues. Du salon sur l’océan, coup d’œil sur les rochers de New Plymouth que vous ne pourrez oublier, l’image est gravée. De la cuisine sur le Mont Taranaki. Bouché les nuages occupent le tableau peut-être après tout qu’il est seulement timide… Mais on sait où il est tellement on l’a déjà regardé.


Judy nous a tout de suite dit ce qu’il fallait visiter. Elle et lui sont fiers d’être de ce pays. Ils sont fermiers et ont donné le goût de cette vie à leurs enfants, fermiers eux aussi mais dans les environs de Hamilton et de Auckland. J’aime savoir cela des gens que je rencontre, cette lignée me montre que si les parents aiment leur métier, les enfants n’ont pas trop de mal à se situer…
La première visite a été pour le musée Puke Ariki. Tous les noms ici parlent le maori. Noms mais surtout esprit qui régnaient dans les iwi (la tribu) et…, par magie semblent se perpétuer. Difficile de partager simplement l’émotion qui se passe quand vous regardez les vestiges qui sont exposés.

Tous parlent du génie des hommes qui ont vécu ici. Et ils étaient nombreux sûrement une des colonies les plus importantes entre le Waikato et le Taranaki. Des guerriers s’il en est tellement il a été retrouvé de vestiges du passé dans les marécages et sur les lieux des combats. Génie des hommes dans les sculptures sur bois, des wakas (pirogues de commerce ou de guerre) ou des maraes (maisons communes des villages). 






Génie des hommes dans les outils de culture et de pêche. Ici l’on voit comment les artisans maoris ont adapté ce qu’ils ont appris des européens qu’ils ont rencontré puis aidé. Fabuleuse leçon du métissage des idées. A lui seul le musée est une leçon d’humanité. Il illustre comment la vie des européens et des maoris s’est imbriquée.




















Puke Ariki donne aussi toute la dimension des guerres, pas dans le détail mais par les vestiges, quelques images de misère ou simplement de tristesse. Pas un sourire sur les photos ou les vidéos. Des flashes de temps en temps qui vous marquent plus que d’autres, une sculpture ou une maquette sur bois souvent, plus encore que sur un bijou parce que dans les vitrines du pays on en voit beaucoup. Les motifs n’ont pas changé, leur charme joue encore. 

Petit à petit je perçois les nuances de ce pays que je cherchais. J’entrevois ses forces et ses failles. Comme je vous l’ai dit depuis que vous nous suivez dans ces longs voyages une image n’a son reflet que dans votre miroir de comparaison. Je ne suis ni colon britannique (pour ne fâcher personne), ni maori mais je commence à comprendre comment leurs esprits se sont mariés pour devenir « Néozélandais ». Pour la première fois depuis que nous voyageons dans ce pays, sur un magasin, j’ai vu aujourd’hui flotter un étendard gallois : son propriétaire s’occupait de maintenance d’outils informatiques.
Nous commençons clairement à comprendre que l’esprit maori au fil du temps a été adopté par les européens qui ont émigré vers ces deux îles. Abruptement vous devez vous demander comment cela a pu se passer ? Le métissage de mon point de vue n’est pas qu’une question génétique, il passe aussi parmi les idées. Les premiers colons en arrivant avaient besoin d’aide et de bras parfois simplement de femmes pour s’occuper de leur foyer. Des Européens ont cherché à coopérer quand d’autres ont tenté par la force à spolier les maoris.
Cependant, deux communautés côte à côte, même ennemies, peu ou prou échangent des idées, confrontent des savoir-faire et font naître un progrès …métissé. Je suis toujours un peu obnubilé par le « fighting spirit » des néozélandais transportés avant de jouer. On connaît celui des britanniques par notre histoire. 



Arrivés ici, les légendes et les coutumes des maoris ont fait leur chemin dans les esprits. Le haka n’est pas un spectacle, c’est une cérémonie. Il a la solennité des joueurs du moment qui invoquent le soutien des esprits des anciens, ces anciens qui se sont battus pour qu’eux aient aujourd’hui une vie meilleure que celle qu’ils ont eue. Ce n’est pas un rêve de vieux con, venez et vous verrez c’est inscrit au fronton de Puke Ariki, encore plus profondément qu’à Te Papa Tongarewa.


Dans cette région on s’est battu souvent et fort, à tel point que vous pourrez lire que les guerres mondiales I et II (comme ils disent ici) ont fait moins de dégâts chez les « néozélandais » que les affrontements entre le Waikato et le Taranaki.



Des guerres fratricides au plein sens du terme. L’ambition d’un chef, une vengeance ou une jalousie et le conflit prenait corps pour une bout de frontière. Rappelons-nous que l’histoire pour les maoris est orale, ou s’écrit pour les poètes sur des feuilles de rangiora (l’ami du bushman) séchées. A la veillée on pouvait sans cesse rappeler les vengeances à ne jamais oublier.
Les guerres les plus meurtrières ont eu lieu entre le Waikato et le Taranaki autour de 1820. Les iwis du Waikato et du Taranaki n’avaient pas d’atomes crochus, c’est le moins que l’on puisse dire.




Le Pa Puke Rangiora était une place forte, au-dessus de la rivière Waitara, il permettait de voir loin et de se protéger. Un chef du Taranaki y mena un siège de 7 mois en 1821, piégeant un groupe du Waikato. Un soldat finit par s’échapper et alla chercher du secours en courant 120km en deux jours. Le Waikato vint délivrer son groupe au prix de nombreux morts dans les deux camps. 


10 ans plus tard en 1831, ce sont les iwis Taranaki qui se firent piéger dans leur Pa Puke Tangiora par une armée levée par le Waikato pour se venger. 10 ans qu’ils ruminaient. Le nombre de morts fut la aussi considérable dans la bataille pour les combattants mais aussi chez les femmes et les enfants qui préférèrent sauter de la falaise dans le pleuve Waitara 100m plus bas que d’être tués par les guerriers.


Au même endroit en 1841, les européens creusèrent des tranchées qui peuvent encore être devinées. Les aides et les échanges avec les maoris permettaient à ces derniers d’obtenir des armes à feu. Une puissance nouvelle qui alimentait les batailles entre iwi mais aussi contre les européens trop pressants pour s’accaparer des terres . Nouvelle bataille rangée sur le Pa Puke Rangiora quand les Maoris se sont révoltés parce que les européens voulaient les exproprier suite à des décisions prises par le Gouvernement, formé d’immigrants. Fin négociée où une fois de plus les Maoris furent floués…d'autres guerres allaient continuer.
Parmi toutes ses empoignades, une belle histoire, celle de Sir Peter Buck. Né d’un père Anglais, William Buck et d’une jeune mère Maorie, Rina (les mères porteuses étaient un recours traditionnel) vers 1880. Il commença à étudier dans l’école de son village à Irenui. Son père insista pour qu’il connaisse et parle anglais, sa mère nourricière lui donna toute la culture maorie.
Il entra ensuite au collège Te Aute, dure école du révérend Thorndon, discipline de fer, études classiques où Peter se comporta remarquablement. Il entra alors en médecine à l’Université d’Otago. Travailleur et curieux une fois diplômé il s’est marié (pas avec l’élue de son cœur, fille d’un chef qui n’était pas de sa lignée...) avec Margaret une Irlandaise du Nord.



Il s’est occupé de l’hygiène de vie des maoris dont le nombre déclinait de plus en plus avec l’arrivée des virus apportés par les immigrants. Il n’a jamais renié son village y revenant chaque fois que son temps le lui permettait. Peter et son épouse sont partis pour les USA, où il étudia l’anthropologie à l’Université de Yale. Il est le plus éminent anthropologue des peuples polynésiens. Médecin sur le champ de bataille de Gallipoli. Il fut élu député mais n’insista pas dans cette mission. Un temps directeur de musée… Il est mort à Hawaii .
Sir Peter Buck était avec Lord Ernest Rutherford (père des rayons Alpha et Beta) les néozélandais les plus connus dans le monde avant Sir Edmund Hillary, le premier vainqueur de l’Everest.
Mort en 1951, les cendres de Sir Peter Buck (Te Rangi Hīroa, son nom maori) furent rapatriées à Waitara en 1954, son mémorial est un symbole de la vie maorie en figure de proue stylisée. Ces cendres ont été dispersées sur le bush du Ngāti Mutunga pā, Ōkoki.
Cette histoire et ses combats successifs (sans compter ceux qui sont venus plus tard après 1850) ont donné un caractère particulier à cette région. Peuplée d’un peu plus de 100000 habitants dont la moitié à New Plymouth. Leur répartition ethnique d’origine: un peu plus de 70% par des habitants d’origine européenne, 10% de métis, 7% de maoris…Le climat influencé fortement par le Taranaki ne doit pas très bien convenir aux communautés asiatiques et polynésiennes peu nombreuses dans cette province.



La région est administrée par un conseil régional dont le siège est à Stratford. Il s'occupe de la politique et du planning, la défense civile, les ressources, les terres, le transport, la récréation, et d'autres sujets encore dont l’environnement.

Je me dis quand même quand je me souviens de nos "guéguerres" de village qu'un match de rugby entre Waikato et Taranaki doit être drôlement épicé....

Michel Prieu
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