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42 - STEWART ISLAND – Nature et Histoire

L’escapade à Ulva Island a laissé des traces, pouvoir côtoyer les oiseaux sans les effrayer laisse un sentiment de quiétude qui dure longtemps. Ce matin en partant vers Horseshoe Bay, le moindre chant dans les branches me faisait m’arrêter pour tenter de comprendre ce qu’il voulait me dire. Les arbres ont un langage, les oiseaux aussi. Nous croyons tous en savoir plus qu’eux mais sur le plaisir d’être, je n’en suis pas sûr. Pour apprécier le moment présent ils ont des messages sérieux à nous transmettre.

Les oiseaux savent faire cela mais les plantes aussi. Un buis entrelacé dans le tronc d’une fougère géante donne un ensemble incongru mais d’une grande réalité, les plantes savent partager. Tout l’art du jardinier est de savoir composer les bouquets vivaces, les plantes alors vont se débrouiller pour partager l’espace et la terre qui leur est allouée.

















Un peu  plus  loin ce sont les  mousses qui font un parterre varié, certaines pour se distinguer ou par coquetterie vont tenter de se maquiller pour ressembler à des pâquerettes. Les lichens accrochés pour mieux respirer aux branches des manukas sont peut-être en train de se soigner.




J’avançais avec ses pensées lorsqu’au bout d’un escalier je suis tombé dans une nurserie de fougères, une « fernery » ici. Jardin aménagé autour d’une pelouse pour bien montrer que nous sommes en Nouvelle Zelande, les fougères sous le soleil intermittent changent de couleur tout le temps. Le soleil n’est cependant pas assez puissant pour les transformer en argent. Ce soir stylisées elles seront sur les maillots des All Blacks qui vont reprendre du service en Australie puis dans tout l’hémisphère sud, avant de nous rendre visite en France à la fin du printemps.


En faisant le tour du jardin ma surprise est allée en grandissant, je croyais me retrouver en Provence ou en Andalousie, derrière les genêts se cachaient des plantes de méditerranée. Voyage lointain dans mes souvenirs pour me retrouver en train de choisir les essences qui composerait le jardin de la première maison que j’ai construite, romarin, lavande, sortes d’agaves, laurier divers et colorés…




J’étais en train de vous appeler au téléphone le plus ancien de l’île pendu à jamais à son arbre mais avec le décalage horaire vous deviez dormir alors j’ai raccroché et suivi mon chemin vers Bathing Beach et Mill Creek, remplis d’eau jusqu’à en déborder. Le marécage s’était refait une beauté. Par couples les oystercatchers se disputaient la plage avec les volées de sternes.

Avec toutes les promenades nous aurons fait tous les sentiers, nos derniers pas nous ont amené au musée. Toujours intéressant un musée même tout petit, il a toujours des histoires à raconter. Il permet aussi de donner la mesure, prendre la distance. Le temps n’existe pas on ne sait pas mesurer sa vitesse, on ne sait pas bien le conjuguer, pour le qualifier il n’y a que nos sentiments, volatiles, changeants, mais voir un objet, le comparer dans le temps apporte un peu de vérité. 


Vous savez combien nous aimons le Te Papa Tongarewa depuis qu’on l’a découvert à Wellington, Stewart Island Museum est tout petit, comme un écrin qui aurait ses secrets, plus intimes, des histoires de familles.
Dès l’entrée ici le sourire de Rosemary et le calme de Mervyn vous disent déjà merci d’être passé les voir. Ces deux îliens ont plein d’amour pour leur terre, avec attention ils continuent de la cultiver.




Ce qui m’a attiré en premier ce sont les arpons des chasseurs de baleines. Leur seule vue permet d’imaginer le danger que couraient les premiers marins qui se sont lancés dans cette aventure. Allongé de tout son long l’arpon moderne dit clairement que c’est la baleine qui est maintenant en danger. Les bateaux doivent aussi être bien différents, pas étonnant que la chasse à la baleine soit sujet de polémique. Usines flottantes, ils ne laissent aucune chance aux monstres marins. Quand jadis une seule prise donnait du travail durant des jours à nombre de bras pour peler et cuire ces tonnes de gras…aujourd’hui des machines font de cette pêche une industrie qui dévaste tout.

Stewart Island a vu aussi venir ses orpailleurs, l'or, ils n’en ont pas trouvé autant qu’ailleurs mais ils ont animé ce bout d’île. Des chercheurs les ont remplacés pour trouver d’autres minerais. La mine du pays a fini par trouver sa voie entre la pêche et le tourisme.

Avant tout cela une histoire de bois. Alors que nous vous disons notre admiration de voir le bush dans sa force naturelle, les images anciennes que l’on voit exposées montrent comment tout était endommagé par la folie des hommes. Beaucoup de beaux arbres que l’on a croisé ont moins de deux siècles de vie, alors que l’on pourrait penser qu’ils ont toujours vécu ici.


Les outils pour les couper et les travailler me renvoient à mes souvenirs de jeunesse quand mon grand-père, mon père et mes oncles débardaient la forêt pour en tirer le bois pour se chauffer. C’était une corvée que j’aimais, le froid mordait mais j’avais mon travail à côté d’eux, ébrancher, je singeais les grands qui s’essoufflaient en maniant la lourde hache ou le passe partout. A cette époque les salles de musculation n’existaient pas. Entre les bottes de foins ou de paille, lever et porter les sacs de grains et couper du bois, les joueurs de rugby et même de foot avaient de gros bras.
Quelle idée géniale de Charles Traill de créer au-dessus de son chantier naval artisanal une poste puis un télégraphe. En fait un lieu de rencontre proche et lointain. Les bateaux qui passaient pouvaient apporter des nouvelles, les gens se rencontraient, petites choses simples que l’on a oubliées. Pas de nostalgie en écrivant cela si les autres ne viennent pas à nous, nous allons vers eux… Je n’aime pas téléphoner, j’ai toujours préféré me déplacer même quand je travaillais.
Les maoris ont jadis habité ici mais seulement par intermittence selon les saisons. Les polynésiens y ont chassé et pêchés aussi et une place leur est réservée. Ce qui est émouvant ce sont les paniers qui servaient à piéger les poissons, les anguilles ou les crustacés. Tressés avec des herbes de la forêt.











Cette île était sur un passage et elle le reste. Rosemary, la conservatrice du musée a son aïeul qui a sauté d’un bateau de chasse à la baleine. Avec son compère américain Dennison Yankee Smith, Manuel Gomez, né au Portugal ont échoué sur Codfish Island  un peu après 1880. 


Le vent qui souffle sur cet éperon rocheux a dû les gêner, il ont traversé la forêt pour venir se mettre à l’abri vers Half Moon. Ils ont marié deux sœurs et se sont installés sur une pointe déserte de l’archipel  a Bravo Island. Ils ont eu 31 enfants avec leurs épouses maories…Une vie en grossesse car il fallait des bras pour aider et garder les animaux. L’école nous l’a fait oublier, avant très tôt les enfants travaillaient, la vie de famille avait sa hiérarchie. Rosemary et Mervyn nous ont dit leur fierté de leurs origines. Continuer par passion de s’occuper du musée conserve une tradition familiale magique. Ils iront au Portugal pour boucler la boucle de leur destinée.



La Nouvelle Zélande reste un pays d’espoir, son taux de natalité est tout proche de 2. Il continuera de se trouver des jeunes pour jouer au rugby mais beaucoup se tournent vers le football ou le basket, la télévision fait un travail de promotion dans tous les pays du globe.


Nous avons dit que les premiers migrants sur Stewart Island venaient de tous les pays. Ce doit être sa destinée. Aujourd’hui c’est encore vrai. La communauté des habitants vient toujours de tous les pays, nous y avons rencontré Martin, jeune Français, venu ici il y a un peu plus d’un an pour quelques jours et qui est toujours là. Il ne sait pas quand il repartira. Son copain Thomas est chef en second du restaurant de South Sea Hôtel, amoureux de Zane venue de Lettonie. C’est peut-être elle qui sonnera le branlebas, pour ses yeux-là cela ne nous étonnerait pas.



Au moment où j’écris ses mots, installé face à l’océan les vagues veulent monter sur la route, l’impression que la marée ne veut pas baisser, pas de place pour les petits échassiers. Pas un échec l’envie de rester !










Hier au moment où nous allions quitter le musée, Rosemary nous a dit être amie de Pierre Furlan, écrivain français, traducteur important d’auteurs américains, néozélandais et jamaïcains. Un chercheur de perles à sa manière. « Les Belles Etrangères » qu’il a traduit vous diront beaucoup sur la vie de Nouvelle Zélande avec et sans le rugby. Grâce à lui j’aurai une part de ce que je recherche depuis quelques temps pour mieux connaître la vie de ce pays.


J’en étais à compulser une interview qu’il a donnée quand l’idée que Rosemary, maorie dans l’âme aurait la réponse à une autre de mes questions, trouver le livre qui allie l’histoire maorie d’hier à aujourd’hui. Je suis retourné au musée et j’ai ramené le plus beau des cadeaux. Mervin m’a dédicacé un livre de peintures traditionnelles maories « Legends of Ngatoro-i-rangi » de Karen Taiaroa-Smithies et lui-même. Chaque peinture est une légende, j’y vois une première similitude avec les peintures aborigènes d’Australie. Penser en images…comme en jouant au golf.




Voulant tout de suite me donner satisfaction, Mervyn m’a amené où ils habitent  avec Rosemary face à la l’océan. A côté la sœur de Rosemary a aussi sa maison et de l’autre côté de la rue le frère a vue sur le port. Les trois maisons dominent le mémorial de « Goomes » déclinaison anglaise du Manuel Gomez…

En repartant, nous avions décidé qu’ils me transmettraient les références par message; petit tour vers la zone sportive et culturelle de Stewart Island, terrain de bowling ( boule anglaise comme à Perth) et en face, salle commune polyvalente qui jouxte la bibliothèque. Salle de spectacle, appareils de musculation, terrain de basket et terrain de squash. Le terrain de rugby est au-dessus en face du poste de police. Une île où vous pouvez rester et passer des moments à rêver.
Il fallait se séparer, pas simple je serai bien resté à bavarder, Mervyn a encore des histoires de rugby à me raconter. 

Pour notre dernier repas nous avions commandé des huîtres avec coquille (ici il faut préciser). En allant dire bonjour et au revoir à Thomas et au chef de cuisine, ils nous ont gâté autant les remercier… Pour accompagner les huîtres steak néozélandais tendre a souhait, bien arrosé. 

Il était temps de se séparer de ce lieu privilégié, check in rapide pour le ferry et surprise, Rosemary et Mervyn sont arrivés leurs livres préférés à la main, Maori Rugby par Arthur Carman et l’immense « Tangata Whenua » de Atholl Anderson, Judith Binney, Aroha Harris. Plus adorable qu’eux tu meurs… Brin de causette sur le pont, ils nous ont accompagné ajoutant à notre émotion pour ce séjour dont nous nous souviendrons. 


Un amour enflammé du soleil pour cette île éloignée...

Rosemary, Mervyn, l’ancre du waka de Maui a des chaînes toujours aussi puissantes au propre comme au figuré, merci de votre témoignage d'amitié. Nous voila un peu plus enchaînés à cette île qui nous a montré toute sa beauté.

Michel Prieu
Facebook : Michel Prieu
Email : michelprieupassion@gmail.com
Blog Rugby: variationsetideesrugby.blogspot.com

Illustrations, Photos et Mise en page : Francoise Devillechabrolle
Email : francoise.devillechabrolle@gmail.com











2 commentaires:

  1. Françoise, Michel,
    Merci de nous transporter dans le pays des rêves et des légendes où l'on voit qu'il n'y a pas que le maillot noir qui flotte sur la ligne d'horizon. De belles images et un beau texte mériteraient une mise en page pour lire cet hiver devant un bon feu de bois 😉😉😉

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  2. Salut Tautor, merci de tes encouragements mais on essaie juste de faire passer un peu de ce que l'on découvre...Il n'y a pas que le rugby c'est dit mais ils sont souvent dehors, on comprend mieux pourquoi. Bonne journée, le rugby samedi on va en reparler nouveau weekend chargé.

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